L’expérience optimale de M. Csikszentmihalyi
«Dans le Défi positif» de Thierry Janssen
Csikszentmihalyi s’intéressait aux conditions du processus créatif. En observant des peintres au travail, il constata qu’ils étaient totalement concentrés sur leur ouvrage ; ils n’éprouvaient ni la faim, ni l’inconfort, ni la fatigue. Lorsqu’ils avaient terminé leur oeuvre, ils semblaient s’en désintéresser pour en commencer une autre. Le témoignage de ces artistes ne laissait aucun doute : ce qui les incitait à peindre n’était pas le fait d’obtenir de la reconnaissance ou de l’argent, mais tout simplement la satisfaction de tremper leurs pinceaux dans la peinture, de poser les couleurs sur la toile, et de se laisser emporter au plus profond du sujet représenté, en fusion avec leur projet, suspendus dans le temps, évaluant un instant après l’autre la matérialisation de leur vision baignée dans une sorte d’état de grâce. Ils ne recherchaient pas la gratification extérieure; l’acte de peindre suffisait à les motiver et à les combler.
Csikszentmihalyi interrogea d’autres passionnés totalement accaparés par leurs occupations, parmi lesquels des joueurs d’échecs, des grimpeurs de haute montagne, des danseurs et des chirurgiens. Tous lui avouaient retirer un véritable plaisir de leur engagement dans l’action. Il s’agissait d’activités «autotéliques» du grec qui veut dire «porté par un flux», totalement immergé dans ce que l’on fait, ou autrement dit «expérience de flux».
Il a pu montrer que la sensation de flux correspond à une période de concentration intense sur le moment présent vécu en perdant la notion du temps qui passe, dans l’oubli de soi, sans être perturbé par des pensées qui ne sont pas en rapport avec l’activité en cours, tendu vers un but précis et bien clair, sans se focaliser sur l’accomplissement de cet objectif mais tout en se consacrant exclusivement à sa réalisation, animé par le sentiment de contrôler la situation avec aisance et compétence, ce qui donne l’impression d’agir sans effort. L’oubli de soi dont il est question ici, et en fait, la disparition de toute préoccupation à l’égard de soi-même au profit d’un engagement total dans l’action en cours.
mardi 30 avril 2013